Pierre Rivière au temps d’Esquirol : logique subjective du passage à l’acte dans la psychose

Avant d’entrer dans le détail du cas de Pierre Rivière et de son impact sur la psychiatrie de son époque, je souhaiterais donner quelques éléments d’introduction sur la notion de passage à l’acte en psychiatrie et la distinguer du concept de passage à l’acte en psychanalyse. Nous évoquerons aussi les « meurtres immotivés » de Paul Guiraud, qui vont nous aider dans l’étude du passage à l’acte de Pierre Rivière.

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  1. LE PASSAGE À L’ACTE EN PSYCHIATRIE

Le passage à l’acte est considéré en psychiatrie comme une voie de décharge vers l’extérieur d’une tension intérieure, une sorte de réponse à certains stimuli. Le terme est employé pour désigner les actions présentant le plus souvent un caractère impulsif, prenant une forme hétéro ou auto-agressive, en rupturepar rapport au système de motivation habituel du sujet.

La psychiatrie considère que le malade, jusqu’alors contrôlé, passe d’une tendance, d’une intention consciente ou inconsciente, à la réalisation d’un acte généralement agressif, violent ou délictueux. Celui-ci est décrit comme une explosion, un court-circuit, difficile à comprendre car s’inscrivant soit dans une logique délirante, soit dans une sorte de « hors sens ». Certaines de ces conduites peuvent être du registre médico-légal, exclusivement pénal ou se situer dans un contexte socio-culturel qui en modifie la signification. Les passages à l’acte sont introduits dans la sémiologie psychiatrique à l’intérieur des troubles des conduites sociales pouvant s’y assimiler : le suicide, la TS, les équivalents suicidaires, les fugues, les vols pathologiques, la pyromanie, l’abus de confiance, les attentats aux mœurs et l’homicide.

Nous pouvons retrouver le tableau d’un passage à l’acte dans toutes les pathologies mentales, dans les névroses, les troubles de l’humeur, la schizophrénie, les délire chroniques, les états démentiels, les états limites, les toxicomanies ainsi que dans les sociopathies.

Il est intéressant de distinguer cette notion psychiatrique du passage à l’acte de celle conceptualisée par Jacques Lacan.

  • LE PASSAGE À L’ACTE ET L’ACTING-OUT

Remarques de Jacques Lacan et Jacques-Alain Miller

Le passage à l’acte est un terme qui n’apparaît pas sous la plume de Freud. Il est introduit en psychanalyse dans les années 1950.

Lacan étudie le passage à l’acte en le distinguant de l’acting-out dans le Séminaire X, l’Angoisse. Il le reprend à partir du cas de la jeune homosexuelle de Freud et de celui de Dora, en présentant l’acting-out dans le cadre d’une relation transférentielle.

Par rapport à la jeune homosexuelle, Freud considère que son comportement de chevalier qui souffre pour sa dame relève d’un acting-out. Il le différencie du passage à l’acte. La jeune femme se baladait dans les rues de Vienne avec sa dame lorsque celle-ci lui faisait part de son désir d’éloignement. Quelques instants plus tard, la jeune homosexuelle croisa par surprise son père, qui lui jeta alors un regard irrité. C’est là qu’elle passa à l’acte. Son passage à l’acte équivaut à une tentative de suicide, et Freud explique en détail la façon dont la jeune homosexuelle se jette d’un pont sur la voie de chemin de fer désaffectée. Elle se laisse tomber (niederkommen) : « Dans le cas d’homosexualité féminine, si la tentative de suicide est un passage à l’acte, toute l’aventure avec la dame de réputation douteuse qui est portée à la fonction d’objet suprême est un acting-out. Si la gifle de Dora est un passage à l’acte, tout son comportement paradoxal dans le ménage des K, que Freud découvre tout de suite avec tant de perspicacité, est un acting-out[1] ».

Lacan indique quequelque chose se montre dans la conduite du sujet lors de l’acting-out. L’accent démonstratif, son orientation vers l’autre, impliquent que l’acting-outnécessite le regard de l’Autre. Il y a donc un sujet sur la scène qui montre quelque chose à l’Autre qui regarde. L’acting-outest porteur d’un message mais c’est un message souvent trompeur qu’il faut interpréter. Dans le cas de Dora, il s’agit d’un désir de savoir sur la féminité déplacé sur la peau blanche et ravissante de Mme K., tandis que Freud distingue un désir d’obtenir un enfant du père chez la jeune homosexuelle.

Le passage à l’acte au contraire n’a pas besoin du regard de l’autre. Le sujet se précipite«de là où il est – à savoir du lieu de la scène »[2], et il  « bascule essentiellement hors de la scène »[3]. Pour Lacan le paradigme de l’acte est l’acte suicidaire, le suicide, là où s’opère la séparation définitive de l’Autre. Le laisser-tomber, (niederkommen freudien) est le corrélat essentiel de tout passage à l’acte car il confronte radicalement le sujet à ce qu’il est comme objet pour l’Autre.  Le sujet se précipite dans le passage à l’acte lorsque, s’identifiant à l’objet qu’il se sent être pour l’Autre, il se laisse choir, il « se laisse tomber[4] ».

Le passage à l’acte, contrairement à l’acting-out, ne s’adresse à personne et n’attend aucune interprétation. C’est la victoire de la pulsion de mort. Le sujet incarne sa question posée à l’Autre en tant qu’objet.

Dans son article « Jacques Lacan : remarques sur son concept de passage à l’acte », J.-A. Miller considère que le passage à l’acte est avant tout un franchissement : « il n’y a pas d’acte vrai qui ne comporte un franchissement, un franchissement de quoi ? d’un code, d’une loi, d’un ensemble symbolique[5] ».

Si nous prenons, tel que Lacan l’indique, le suicide en tant que paradigme du passage à l’acte, nous voyons d’un côté que l’acte sépare de l’Autre – radicalement dans le suicide – et, d’autre part, que le sujet lui-même soit changé par ce franchissement pour qu’il y ait acte. Le franchissement suppose un changement du sujet, un avant et un après, indiquant que le sujet n’est pas le même avant et après l’acte, qu’il existe une mutation du sujet qui par son acte en ressort transformé. Il y a la renaissance d’un nouveau sujet. C’est ainsi que J.-A. Miller interprète les mots de Lacan mettant le suicide comme paradigme de l’acte, de tout acte vrai : « tout acte vrai au sens de Lacan est ainsi, disons-le, un « suicide du sujet », on peut le mettre entre guillemets pour indiquer qu’il peut en renaître, mais il renaît différemment. C’est cela qui fait un acte au sens propre…(…) Dans tout acte vrai il y a un suicide du sujet[6] ».

3– LES MEURTRES IMMOTIVÉS DE PAUL GUIRAUD

Paul Guiraud, dans son article « Les meurtres immotivés »[7] de 1928, reconnaît dans les crimes immotivés quelque chose de hors sens. L’intérêt de revenir sur la notion de P. Guiraud de « meurtres immotivés »est majeur car elle permet de ne pas dissocier le passage à l’acte de la logique discursive du sujet psychotique. La prise en compte du manque de sens permet d’approcher la structure du sujet dans tout passage à l’acte.

Parmi les meurtres commis par les psychotiques, un certain nombre apparaît comme étant des actes logiquesqui suivent un raisonnement et une rigueur imposés par l’interprétation délirante du patient. Certains actes criminels sont non seulement logiques mais prémédités méticuleusement,longtemps à l’avance, car le sujet suit une rigoureuse logique délirante. On peut donc affirmer que la préméditationn’exclut pas la psychose.

Mais il existe une autre catégorie de passage à l’acte meurtrier qui ne semble motivée par aucune logique, qui apparaît plutôt dépourvue de sens. Ce type de passages à l’acte se présente comme désadapté et démuni d’une motivation apparente. P. Guiraudconçoit le passage à l’acte comme « une réaction libératrice[8] » de la maladie des hébéphrènes. L’entité nosographique de l’hébéphrénie était bien plus utilisée à l’époque que celle de « schizophrénie » car ce concept, formalisé par Bleuler en 1911, n’était pas encore étendu. Cette entité nosographique n’avait été introduite en psychiatrie que deux ans auparavant, en 1926, lors du Congrès de Psychiatrie de Genève. P. Guiraud considère que les « meurtres immotivés ne sont pas sans cause[9] » puisqu’un contexte hallucinatoire accompagne souvent ces crimes.

En 1919, Constantin von Monakowa été le premier à utiliser le terme de kakon – dans son article « Psychiatrie et biologie ». Il a donné à ce terme sa signification étymologique latine : « mal, mauvais, malus ». Ce concept a été ensuite universalisé par P. Guiraud qui considérait « qu’il n’est pas possible de se guérir par un acte brusque, libérateur, mais le patient en a toujours le désir[10] ». P. Guiraud décrit le « kakon » comme un « sentiment pénible d’étrangeté intérieure[11] », accompagné d’une sorte de terreur ou d’angoisse intense. La réaction violente du malade est alors une tentative de tuer ce kakon, de s’extraire de lui, de l’expulser hors de lui ou bien de l’expulser hors du corps d’un autre. Il indique à quel point « l’acte de violence essaie de supprimer le « kakon », le mal, de tuer la maladie, soit le sentiment pénible d’étrangeté de l’hébéphrène, soit sa cénesthésie pénible[12] » et il appelle cet acte de violence « crise de kakon ». Celle-ci présente une fonction défensive, visant à se débarrasser du mal.

Dans son article sur « les meurtres immotivés », P. Guiraud présentait quelques cas cliniques soulignant l’importance des motifs profondément inconscients de certains actes de violence commis par les aliénés, en utilisant une terminologie freudienne. L’homicide de l’hébéphrène met à nu la structure du passage à l’acte.

Paul Guiraud distinguait deux types de crimes : « les crimes du moi et les crimes du soi » :

– Dans les crimes du moi, l’individu agit en toute liberté.

– Dans les crimes du soi, « l’organisme obéit directement au ça, le Moi restant un spectateur étonné et passif et quelques fois résistant[13] ». Ce sont les meurtres immotivés.

Le cas de « Paul L. » est un des cas emblématiques de la psychiatrie classique. P. Guiraud le présente comme un jeune homme intelligent qui avait décompensé sa psychose à 18 ans. À cet âge il était envahi d’un malaise inexplicable et commençait à s’alcooliser en même temps qu’il s’intéressait à la politique et à la religion. Le communisme lui plut, écrit P. Guiraud, surtout par son côté mystique. Un jour, Paul L.arrêta un taxi à la Gare de l’Est pour se rendre à La Ferté-sous-Jouarre. Lors du trajet il entama une conversation animée avec le chauffeur qui lui raconta qu’il avait été « un ancien officier de la marine russe[14] ». Paul L. lui demanda alors de s’arrêter dans un parc pour faire un tour à pied, prétextant vouloir poursuivre leur conversation. Le chauffeur accepta sans crainte. Puis Paul L. tira cinq coups de pistolet sur lui. Il se rendit immédiatement au Commissariat plus proche où il raconta une histoire incompréhensible pour expliquer son geste.

P. Giraud indique que Paul L. ne pouvait expliquer son geste bien qu’il construisit une « fabulation délirante[15] », pour tenter de s’expliquer à lui-même son acte. Il disait « qu’il avait la mission de supprimer un traître, on l’aurait payé pour cela, car c’était le prélude d’une révolution…[16] ». Cependant, quelques années plus tard, Paul L. ne savait toujours pas pourquoi il avait tiré sur cet homme et il ne trouvait aucune explication. Guiraud décrit ce passage à l’acte comme une « crise de kakon » : « Par un acte de violence Paul essayait de supprimer le kakon , pour employcr l’expression de V. Monakow e t de Mourgue. Tuer le tyran c’était pour lui tuer la maladie ». [17]

Une deuxième catégorie de passage à l’acte criminel a été répertoriée par P. Guiraud. Il s’agit des meurtres commis par des sujets psychotiques « qui apparaissent comme des actes logiques et motivés du point de vue des idées délirantes, (…) Quelquefois ils sont prémédités et accomplis en connaissance de cause tout aussi bien que les meurtres des criminels ordinaires. Nous comprenons facilement l’acte d’un délirant jaloux qui tue sa femme, d’un persécuté qui se croyant déshonoré ou martyrisé par un ennemi imaginaire prend avec une grande lucidité des dispositions pour se venger[18] ».

Il existe des crimes de sujets psychotiques qui, malgré leur caractère brutal ou explosif, démontrent une rigueur logique. Celle-ci ne peut être comprise, bien entendu que dans la logique fermée de la subjectivité du psychotique.

En 1950, dans « Prémisses à tout développement possible de la criminologie », Lacan signale que « seule la psychanalyse (…) est capable dans ces cas de dégager la vérité de l’acte en y engageant la responsabilité du criminel…[19]».

  • LE CAS RIVIÈRE : LOGIQUE SUBJECTIVE DU PASSAGE À L’ACTE

Qu’est-ce que « l’affaire Rivière » ? Pourquoi cette affaire a acquis une si grande importance en psychiatrie ?

Pierre Rivière commit le3 juin 1835à Aunay, dans le Calvados, un triple meurtre en tuant sa mère de 40 ans, enceinte de six mois et demi, sa sœur Marguerite-Victoire de 19 ans et son petit frère Jules de 7 ans. Ce parricide, qui avait été pourtant considéré comme fou, ou tout du moins décrit comme tel, lors du procès, par son entourage plus proche, fut condamné à mort le 12 novembre 1835au terme d’un long procès.

Un conflit entre le savoir scientifique et le pouvoir judiciaire eut pour conséquence que la Cour de Justice ne retint pas les « circonstances atténuantes » qui auraient pu être appliquées, celles-ci étant déjà inscrites dans la loi. L’article 64 du code pénal promulgué le 23 février 1810 ne fut pas non plus appliqué.

L’ancien article 64 du Code pénal introduisait dans la Justice le savoir psychiatrique en exonérant le criminel de sa responsabilité, effacée derrière sa qualité de fou : « Il n’y a pas de crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister… ». Dans ce texte de loi, il y avait donc un pur et simple déni du crime. Ce texte a été abrogé en 1992, puis modifié en 2000 par l’article 122-1 au 122-9, et encore remanié en 2004-2005 et 2014. L’article 122-1 du Code pénal énonce : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». La question porte actuellement sur la responsabilité du criminel, sans nier le crime.

Les « circonstances atténuantes » étaient des mesures prévues par le Code pénal de l’époque, depuis la loi de 1811 et son article 463 dans lequel il était énoncé qu’il était possible d’appliquer pour certains crimes des « circonstances atténuantes » quoique de façon « très restreinte ». Cette loi, modifiée et élargie ensuite en 1824, permettait d’appliquer des « circonstances atténuantes » en fonction de l’appréciation de la Cour. En 1832, une nouvelle modification fut introduite, appliquant les « circonstances atténuantes » en règle générale. En 1835, certaines notions comme celle de « monomanie homicide », entité clinique décrite par Esquirol en 1825, commencent à être empruntées aux rapports médicaux et à être utilisées aux Assises et dans les Tribunaux. Petit à petit, on prend en compte l’expression de la symptomatologie psychiatrique et des maladies mentales, mais certains médecins et magistrats opposent une vive résistance à l’utilisation de ces concepts psychiatriques, notamment en ce qui concerne les « circonstances atténuantes » lors des procès.

Lors du procès de Pierre Rivière, un problème supplémentaire s’est greffé car les deux expertises médicales requises étaient divergentes. Les deux médecins appelés à examiner le parricide ont rendu des conclusions divergentes. Le premier expert considérait l’accusé comme fou, aliéné et le deuxième comme pleinement responsable. À cause de cette différence, les « circonstances atténuantes » ne furent pas retenues et P. Rivière fut condamné à mort.

Le certificat du Dr Bouchard du 21 juillet 1835 signalait :

« Chez Rivière aucune maladie n’a pu déranger les fonctions de son cerveau, et dans les nombreuses visites que je lui ai faites depuis son arrivée à Vire, je n’ai remarqué en lui aucun signe d’aliénation mentale[20]».

Le certificat de Dr Vastel du 25 octobre 1835, beaucoup plus long et détaillé, résumait ainsi :

« Rivière est depuis sa première enfance atteint d’aliénation mentale.

Cette aliénation trouve sa cause dans la famille même de Rivière où la folie est héréditaire.

Les circonstances au milieu desquelles il a vécu…

… Enfin le retour de Rivière à des idées plus saines peut n’être de longue durée, et s’il n’est pas coupable, il est du moins dangereux et doit être séquestré dans son propre intérêt et surtout dans celui de la société[21] ».

Dans ce dernier certificat étaient posées les prémisses de la loi Esquirol.

La condamnation à mort de Pierre Rivière produisit un grand scandale à la fois dans les journaux et dans le milieu psychiatrique où se tenait à cette époque un débat houleux sur l’utilisation des concepts psychiatriques dans la justice pénale. Les experts parisiens, concrètement Esquirol, furent appelés à intervenir en faveur du parricide, pour demander de commuer sa peine de mort.

La « monomanie homicide » d’Esquirol impliquait un délire en secteur, mono-thématique, qui permettait, nonobstant, de préserver le reste de la personnalité du psychotique. Le criminel monomane peut se manifester comme quelqu’un de normal en-dehors du secteur sur lequel il délire. Cette entité nosologique était soutenue dans les procès contre l’avis des magistrats, opposés à l’irresponsabilité des criminels pour des raisons médico-légales. Des affaires célèbres entre 1820 et 1830, dont celle de Pierre Rivière, ont promu l’extension des concepts psychiatriques et leur application en justice pénale.

Dans l’affaire Rivière, les experts psychiatres (Esquirol, Marc, Pariset, Orfila, Rostan) ont rédigé leur attestation sur pièce après la condamnation de Pierre Rivière sans même le rencontrer. Ils ont ensuite rédigé une « pétition » adressée au roi Louis-Philippe, demandant un recours en grâce argumenté médicalement.

C’est ainsi que « le cas Rivière » a acquis une importance considérable, marquant un tournant dans l’histoire de la psychiatrie. P. Rivière fut gracié par Louis-Philippe à la suite de l’intervention d’Esquirol, lequel néanmoins ne retint pas le diagnostic de « monomanie » dans son rapport d’expertise mais compara seulement son crime à ceux des monomanes. Le trait commun aux deux fut celui d’avoir récupéré la raison après le passage à l’acte. En 1835, parallèlement à « l’affaire Rivière », Esquirol put instaurer une chaire d’études de « Médecine Mentale » à l’Université. Aussi, la justice pénale et les lois ont connu un changement majeur jusqu’en 1836 grâce à l’introduction de concepts et de critères issus de psychiatrie, et plus particulièrement grâce à la promulgation de la Loi Esquirol.

La Loi Esquirol du 30 juin 1838 proposait une modification décisive du rapport entre le médical et le pénal. Elle institutionnalisait les modalités de placement dans les établissements spéciaux, les asiles, primo par un « placement d’office », secundo par une hospitalisation en placement « volontaire », lorsque le patient refusait volontairement son hospitalisation. Ce type de procédures rapides autorisait un enfermement d’urgence en établissement spécialisé permettant d’intervenir avant le passage à l’acte, afin d’éviter celui-ci par le moyen d’une hospitalisation. La dite Loi Esquirol d’internement, loi du 30 juin 1838, a autorisé le placement en milieu psychiatrique des aliénés jusqu’en 1990. Elle fut modifiée seulement par la loi d’hospitalisation d’office et d’hospitalisation à la demande d’un tiers, article 333 du 27 juin 1990.

L’Affaire Rivière a fait l’objet d’une publication dans une brochure qui se trouve à la Bibliothèque Nationale, dans les Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale de 1836 (créées par Esquirol), avec les expertises médico-légales et le rapport rédigé par Pierre Rivière lui-même. Michel Foucault s’intéressa particulièrement à ce cas, « le parricide aux yeux roux ». Il dédia son cours du Collège de France, en 1971, à l’étude de l’histoire des rapports entre la Psychiatrie et la Justice pénale. Deux ans plus tard, Foucault publia : Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… Un cas de parricide au XIXème siècle.

Pour toutes ces raisons historiques, le cas Rivière peut être considéré comme un des trésors de l’Histoire de la Psychiatrie.

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PIERRE RIVIERE :

LOGIQUE SUBJECTIVE DU PASSAGE À L’ACTE

Orientés par le témoignage de Pierre Rivière, nous mettons en lumière son passage à l’acte en suivant la logique subjective qui a conduit ce paranoïaque au meurtre. Ses mémoires écrites en prison au moment de son procès sont un aveu sincère du sujet. Elles nous permettent d’interpréter son geste avec la psychanalyse bien que Pierre Rivière lui-même ne puisse avouer ce qu’il ne sait pas.

Pierre Rivière intitule ses mémoires : « Détails et explication de l’événement arrivé le 3 juin (1835) à Aunay, village de la Fauctrie, écrit par l’auteur de cette action ».

La première partie est intitulée : « Résumé des peines et des afflictions que mon père a souffertes de la part de ma mère depuis 1813 jusqu’à 1835[22] ». La deuxième : « abrégé de ma vie particulière », dans laquelle il veut « expliquer son caractère[23]».

Plusieurs coordonnées symboliques ont fait défaut à Pierre Rivière lors de son passage à l’acte, soit au moment le plus aigu de son délire. Le noyau de ce dernier consistait en une mission mégalomaniaque : il avait la certitude inébranlable qu’il devait délivrer son père de la persécution dévastatrice de son épouse, la mère de P. Rivière. Ainsi, il incarnerait le héros qui délivrerait les hommes du pouvoir maléfique des femmes et deviendrait immortel.

Pendant l’instruction, il avait écrit : « je vais dire la vérité, c’est pour tirer mon père d’embarras que j’ai fait cela. J’ai voulu le délivrer d’une méchante femme qui le tracassait continuellement depuis qu’elle était son épouse, qui le ruinait, qui le mettait dans un tel désespoir, qu’il était parfois tenté de se suicider. J’ai tué ma sœur Victoire parce qu’elle prenait la partie de ma mère. J’ai tué mon frère parce qu’il aimait ma mère et ma sœur[24] ».

Nous distinguerons deux temps consécutifs dans l’analyse du passage à l’acte de Rivière : 1) un premier temps où se construit un vaste délire qui acquiert une telle solidité qu’il se conclut par la décision du passage à l’acte ; 2) un deuxième temps qui correspond au moment de l’après-coup du passage à l’acte.

1- Le temps de la construction du délire et sa conclusion par le passage à l’acte

Dans l’expertise de Docteur Vastel, Pierre Rivière est reconnu comme fou depuis son enfance par le voisinage : “ On le surprenait souvent parlant seul et s’entretenant avec des interlocuteurs invisibles, ou riant aux éclats, ou poussant des cris plaintifs. Tantôt on le trouvait se roulant contre terre, et tantôt faisant les gestes les plus bizarres ”[25].

Depuis son adolescence, Pierre Rivière avait une conception délirante du monde, coupé en deux, sans signification phallique (phi zéro, Φ0). D’un côté les hommes, victimes, qui subissent la méchanceté des femmes ainsi que leurs commandements. De l’autre côté les femmes, en particulier sa mère, qu’il désigne comme des persécutrices jouissantes et capricieuses, toujours méchantes. Cette bipartition tranchée du monde n’était pas seulement métaphorique, mais bel et bien réelle et hallucinatoire puisque P. Rivière“ se figura qu’un fluide fécondant s’échappait sans cesse de sa personne et pouvait ainsi, malgré lui, le rendre coupable des crimes d’inceste ”[26]. Cette conviction le tenait à l’écart des femmes de sa famille, de sa mère et de sa sœur, qu’il haïssait. Il ne pouvait pas s’approcher sans éprouver une forte répulsion.

Pour P. Rivière, le réel se manifestait dans la méchanceté de la mère, dans la volonté de jouissance maléfique de la mère, devenue le « kakon » d’un monde dans lequel il était, lui-même aussi, devenu l’objet de cette méchanceté, à l’égal de son père.

Dans ses mémoires, P. Rivière raconte que la mère accusait le père de le « voler, d’être avec d’autres femmes, de dépenser son argent avec des putes et d’être un macro qui faisait périr ses enfants ». La mère est décrite comme délirante, procédurière au paroxysme de sa folie. De procès en procès, elle revendiquait les biens du père qu’elle considérait comme lui ayant été volés. Les enfants avaient le même statut d’objet que ces biens. « Elle demandait qu’on lui rendît son argent, qu’on lui paya ses dettes».La mère ne faisait aucun cas de la parole du père et la Loi du père était inopérante. Dans ces conditions, ce que Lacan appelle le Nom-du-Père est rendu vain et inefficace (P0).

Le père de P. Rivière, accablé par les dettes contractées par sa femme, se sentait dans l’obligation de tout assumer. Suite à ces procédures violentes, les relations entre les membres de la famille étaient devenues insoutenables. Le juge de paix et le curé du village avaient été sollicités de nombreuses fois lors de disputes, et le maire avait même rédigé un certificat de bonne conduite au père. Dans ses mémoires, P. Rivière décrit son père comme quelqu’un de très mélancolisé, avec des craintes de ruine et tenant des propos suicidaires, menaçant de se jeter dans le puits de leur maison. Pour P. Rivière, les liens avec son père se révèlent très forts. Toujours collé à lui, sa mission était le soutenir. L’identification au père servait de compensation imaginaire au Nom-du-Père absent. Délivrer ce père donnait tout son sens à sa vie.

Pendant cette période, Pierre devait être appelé à faire le service militaire. Cela ne fut pas sans lui rappeler que son père avait arrangé son propre mariage avec son épouse, ni par désir, ni par amour, mais pour échapper à son service militaire. Dans ce mouvement d’identification au père, l’imminence de son appel confrontait P. Rivière à la pression d’assumer une vie adulte d’homme et donc à la sexualité, à la rencontre avec l’Autre sexe –rencontre dont il s’était bien gardé jusqu’alors, étant hors de toute médiation symbolique. Quand le sens sexuel apparaît, il introduit le psychotique au trou de la signification phallique provoquée par la forclusion, et il annonce le désordre imaginaire à venir et, dans son cas, prépare le passage à l’acte.

Dans cette mésentente conjugale, les rencontres sexuelles entre ses parents étaient encore possibles et sa mère était tombée à nouveau enceinte. Ce fait, « tomber enceinte », est interprété par P. Rivière comme une infidélité de la mère envers le père.

Pierre Rivière se trouvait prisonnier dans une relation duelle avec la mère sans séparation possible. Hors médiation symbolique, identifié au père, son statut était d’être un pur déchet, une chose morte.

Alors, une première évidence s’est dégagée : être le justicier du père. “ Il n’est donc pas juste que je laisse vivre une femme qui trouble la tranquillité et le bonheur de mon père ”[27]. La mission délirante du sujet sera celle de faire le sacrifice de sa vie pour sa propre gloire et pour le bonheur du père en tuant sa mère. Le meurtre, comme réponse à la jouissance mauvaise de l’Autre et à sa méchanceté, Autre maternel mis dans ce cas en position de kakon.

Le « pousse-à-la-femme » présent dans la psychose se trouve chez Rivière dans la figure d’exception mystique et mégalomaniaque qu’il veut représenter pour l’humanité : « à cette époque et avant, j’étais dévoré des idées de grandeurs et d’immortalité, je m’estimai bien plus que les autres”[28]. « Je pensais que l’occasion était venue de m’élever, que mon nom allait faire du bruit dans le monde, que par ma mort je me couvrirais de gloire, et que dans les temps à venir, mes idées seraient adoptées et qu’on ferait l’apologie de moi ”[29].

Il tenta de se donner d’autres solutions que celle du passage à l’acte. Celles-ci se trouvaient dans la veine d’un “ pousse ” au savoir ou à l’invention et à la recherche. Il lisait beaucoup la Bible. Il essaya d’inventer une nouvelle langue, avec quelques néologismes, mais elle resta extrêmement pauvre. Il inventa aussi des instruments de torture pour animaux, notamment un instrument pour tuer des oiseaux qu’il appela “ Calibène ” ou encore un supplice pour faire périr les grenouilles nommé “ enuepharer ”. Rivière conserva l’idée de s’instruire et de s’élever.

Ces tentatives de solution s’avéraient insuffisantes et, devant cette précarité imaginaire et symbolique, Pierre Rivière décida de commettre le meurtre. Une constellation d’éléments significatifs confluaient à ce moment précis.  Malgré ces désirs de gloire que j’avais ; j’aimais beaucoup mon père, ses malheurs me touchaient sensiblement. […] Je conçus l’affreux projet que j’ai exécuté, je pensais à cela à peu près un mois auparavant ”[30].

Parmi les éléments ayant valeur de facteur déclenchant du passage à l’acte, nous trouvons l’effondrement du père dont la détresse s’avéra totalement insupportable : “ l’abattement dans lequel je le vis plongé dans les derniers temps, sa duplicité, les peines continuelles qu’il endurait, tout cela me touchait vivement ”[31]. Rivière s’identifie à son père dans ce qu’il interprète de façon délirante comme étant son désir : “ se délivrer de son épouse”. Dans son récit apparaît aussi l’identification absolue du sujet à l’objet de jouissance de l’Autre maternel. L’acte visera la séparation définitive de cet Autre. Il se voit déjà mort, il s’offre comme objet en sacrifice, objet petit a.

« Tout le monde était touché de voir un homme d’une conduite irréprochable si malheureux et persécuté si cruellement par une femme. […] Et plus loin : “ J’y vis que lorsque les marins manquaient de vivres, ils faisaient un sacrifice de quelqu’un d’entre eux, qu’ils le mangeaient pour sauver le reste de l’équipage, je me pensais : je me sacrifierai aussi pour mon père ; tout semblait m’inviter à cette action. […] Mais moi je ne peux délivrer mon père qu’en mourant pour lui[32]», « et moi je mourrai pour délivrer un homme qui m’aime et me chéri[33] ». Tout son récit est le triomphe de la pulsion de mort. Rivière s’imagine déjà mort, sacrifié, immortalisé.

Un mois passa entre le moment de la décision du meurtre et celui du passage à l’acte. Pendant ce mois d’attente, Pierre Rivière se trouvait retenu par ce qu’il appelait « sa lâcheté ». L’acte de Rivière est transgression définitive, nullement un appel à l’Autre. Pour Lacan, le passage à l’acte se produit lorsque les coordonnées de l’embarras et l’émotion se trouvent réunies. « C’est au moment du plus grand embarras qu’avec l’addition comportementale de l’émotion comme désordre du mouvement, que le sujet, si l’on peut dire, se précipite de là où il est, […] qu’il bascule essentiellement hors de la scène, c’est là la structure même comme tel du passage à l’acte[34] ».

P. Rivière avait l’intention de se présenter devant le juge après le meurtre pour être lui-même le premier à avoir la gloire et l’honneur d’annoncer son meurtre. Il mit plusieurs fois ses habits du dimanche afin de se présenter digne et propre. Pour commettre son crime, il mit ses plus beaux habits et se présenta comme « celui qui avait délivré le père du malheur et le monde». Une fois sa « lâcheté » vaincue, Rivière ne recula devant rien.

Tandis qu’il tenait encore sa serpe ensanglantée, il lança aux voisins : « je viens de délivrer mon père de tous ses malheurs. Je sais qu’on me fera mourir mais ça ne fait rien[35] ».

2 – L’après-coup du passage à l’acte

L’après-coup du passage à l’acte est lui-même marqué par deux moments distincts et deux positions subjectives différentes.

Après le crime, le premier mouvementest celui d’un enthousiasme mégalomaniaque. Le sujet est encore ancré dans sa certitude délirante et il veut témoigner au monde de son acte héroïque et libérateur. « Ensuite je me suis mis en route pour venir à Vire, comme je voulais avoir la gloire d’y annoncer le premier cette nouvelle je n’ai voulu pas aller par le bourg d’Aunay, craignant d’y être arrêté[36] ».

Dans un deuxième mouvement, qui marque un changement de position subjective, sa conviction délirante témoigne d’un « affaiblissement ». Le sujet n’est en effet plus le même avant et après l’acte. « En m’en allant je sentis s’affaiblir ce courage et cette idée de gloire qui m’animait, et quand je fus plus loin, j’arrivais dans le bois, je repris tou-a-fait ma raison.  Ah ! est-il possible, me dit monstre que je suis ! infortunées victimes ! est-il possible que j’aie fait cela, non ce n’est qu’un rêve ! ah ! ce n’est que trop vrai ! [37] ».Et, quelques instants plus tard : « j’ai résolu de me tuer, la représentation de mon crime m’était insupportable. Mais, Craignant que l’on accusât peut-être encore mon père de complicité […] J’ai résolu de me conformer à mon état, vu que le mal était irréparable[38] ».

Dans le deuxième temps de l’après-coup, les idées de gloire et d’immortalité sont ébranlées et elles laissent place à la représentation monstrueuse de l’acte. Mais la mission délirante de sauver le père reste encore présente au premier plan. Cette fois, il s’agissait non pas de se séparer de la jouissance maléfique de l’Autre maternel – de laquelle il s’était radicalement séparé – mais de ne pas se suicider et de rester en vie pour sauver son père des juges. Sauver encore une fois le père d’une possible accusation de complicité du meurtre.

Après un mois de cavale, Pierre Rivière s’est rendu à la justice. Il fut emprisonné, jugé et condamné à mort. On connaît la suite. Mort avant sa mort, Rivière n’est, après le meurtre, que pur déchet. Il se suicida en prison à l’âge de 25 ans. Mais, avant de se donner la mort, il disait à tous ceux qu’il croisait qu’« il était déjà mort ».

Est-ce que nous pouvons dire que Rivière a réussi son acte ? Quelques années plus tard, nous savons que son père s’est remarié et qu’il a eu d’autres enfants de ce nouveau mariage. Rivière a accédé, sinon à la gloire, du moins à la postérité avec ses mémoires qui ont été récupérées par Foucault dont nous parlons aujourd’hui comme faisant partie d’un des « Trésors de la psychiatrie ».

L’intervention d’Esquirol lors du procès de « l’affaire Rivière » influença les changements en cours, dans la législation française, en matière de Médecine légale et précipita une année plus tard la loi d’internement et d’hospitalisation de 1836.

Pour Lacan, le seul acte qui puisse être réussi est le suicide, car il est le seul à pouvoir opérer la séparation définitive de l’Autre. Rivière est passé à la postérité, mais son seul acte réussi a été son suicide – seul acte à opérer la séparation radicale et définitive d’avec l’Autre.

Marga Auré

12 Février 2021

Antenne Clinique d’Angers : « Trésors de la Psychiatrie »

Conférence par Zoom


[1] Lacan J., Le Séminaire, livre X, l’Angoisse, Paris, Seuil, 2004, p. 145.

[2] J. Lacan, Séminaire X, l’Angoisse, Seuil, Paris, 2004, p.136.

[3] Ibid.,

[4] Lacan J., Le Séminaire, livre X, l’Angoisse, Paris, Seuil, 2004, p. 136.

[5]Miller J.-A., « Jacques Lacan : remarques sur son concept de passage à l’acte », Mental, n°17, avril 2006.

[6] Ibid., p. 21.

[7]GUIRAUD (Paul).– Les meurtres immotivés, L’évolution psychiatrique, 4, no 2, 1931, Paris, p. 25-34.

[8]Guiraud P, Cailleux B., « Le meurtre immotivé, réaction libératrice de la maladie, chez les hébéphréniques », Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, (Paris) 1928 ; 4 : 352-360.

[9] Référence ?

[10] Guiraud P., « Les meurtres immotivés », L’Évolution Psychiatrique(Paris) 1931 ; 4, p. 28.

[11]Ibid., p.  p. 27.

[12] GUIRAUD (Paul), CAILLEUX (Bernard).– Le meurtre immotivé, réaction libératrice de la maladie, chez les hébéphréniques, Annales médico-psychologiques, 4, 1928, p. 352-360.

[13] Guiraud P., « Les meurtres immotivés », L’Évolution Psychiatrique(Paris) 1931 ; 4, p. 26.

[14] Guiraud P., « Les meurtres immotivés », L’Évolution Psychiatrique(Paris) 1931 ; 4, p. 26.

[15] Ibid., p. 27.

[16] Ibid.,

[17] Ibid., p. 28.

[18] Ibid., p. 25.

[19] Lacan J., « Prémisses à tout développement possible de la criminologie », Autres Écrits, Paris, Seuil, p. 123.

[20] M. Foucault, Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… Un cas de parricide au XIXe siècle, éditions folio histoire, Gallimard, février 2001, p. 188-189.

[21]Ibid., p. 201-202.

[22] M. Foucault, Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… Un cas de parricide au XIXe siècle, éditions folio histoire, Gallimard, février 2001, p. 90.

[23] Ibid., p. 153.

[24]Ibid., p. 52-53.

[25] Ibid., p. 193.

[26]Ibid., p. 194.

[27]Ibid., p. 164.

[28]Ibid., p. 155.

[29]Ibid., p. 164.

[30]Ibid., p.159.

[31]Ibid., p. 159.

[32]Ibid., p.160-161.

[33]Ibid., p.160.

[34] Lacan J., Le Séminaire, Livre X, L’Angoisse, Paris, Seuil, p. 136.

[35]Ibid., p. 171.

[36]Ibid., p.170.

[37]Ibid., p.170-171.

[38]Ibid., p.172-173.