Conférence 1 : Des sillons tracés dans la folie par Guy Briole

Des sillons tracés dans la folie

Guy Briole

Nous allons ouvrir l’année en parlant de cet héritage que nous ont, depuis l’Antiquité, légué différents médecins, philosophes, d’autres aussi. La dernière Conférence sera dédiée à essayer de dire ce qu’est notre clinique, une clinique psychanalytique quand on est dans le sillon de l’enseignement de Lacan et de l’orientation que Jacques-Alain Miller y donne. Je le ferai, essentiellement, à partir du livre que j’espère vous avez tous acquis, La conversation clinique[1] ; un livre qui fait événement dans notre champ et bien au-delà.

Les grands noms de la psychiatrie, comme nous avons coutume de les désigner, sont ceux qui ont laissé leur patronyme attaché à des entités cliniques plus ou moins définies. Ils ont fait œuvre nosologique, mais pas seulement. C’est dans cette rencontre entre notoriété et individualisation d’une entité clinique que ce fit le morcellement de la folie. Pourtant cette mise en ordre, pour classificatoire qu’elle soit, n’est pas sans qu’une pensée ne l’ait guidée. Retrouver le fil de la pensée et de la réflexion de ces auteurs peut nous enseigner. C’est le choix que vous avez fait cette année à l’Antenne Clinque d’Angers.

Les précurseurs

Nous le verrons, la médecine commencera à acquérir un statut médical vers le milieu du XVIe siècle, étant jusque-là une branche de la philosophie des connaissances. Les troubles mentaux emprunteront le même chemin.

Pourtant, et l’on peut être surpris, trois grands précurseurs de la médecine et de la psychiatrie dans l’antiquité grecque avec Hippocrate, puis Galien et dans le monde arabo-persique avec Avicenne, ont déjà posé les bases de la médecine actuelle. Retenons quelques traits singuliers.

Hippocrate est né en 460 avant JC à Cos. L’École qu’il a fondée et qui porte son nom sépare la médecine de la philosophie et, s’il n’en fait pas une science, il établit un savoir basé sur l’observation clinique au service d’une profession nouvelle. Il établira aussi la dimension éthique fixé dans son fameux serment. La richesse de ses descriptions est impressionnante et l’on retiendra ses descriptions de la mélancolie en rapport avec sa théorie des humeurs et l’excès de bile noire.

Galien est né en 129 à Pergame (Asie mineure). Il a poursuivi l’œuvre d’Hippocrate en développant l’observation anatomique et la recherche de la causalité par l’expérimentation animale. Il s’interrogera aussi sur l’âme et son lien avec le corps, une manière d’aborder le psychisme et de lui conférer une part d’inconnaissable.

Avicenne, né en 980 en Ouzbékistan est à la fois le médecin et le philosophe médiéval de langue arabe. Pour lui l’âme est en lien avec le monde réel par des perceptions. Relevons, ce que nous dirons être la première distinction de la vision et des visions hallucinatoires par ses travaux qui démontrent qu’elles ont un statut différent car « c’est l’image qui va vers l’œil et non l’œil qui va vers l’image » ! Il établira aussi une différence entre mémoire, imagination et pensée. Il décrira des aires cérébrales reliées à des fonctions précises et sur lesquelles on peut agir par stimulation des sens. Ainsi voit-on en lui un précurseur du cognitivisme.

Une clinique perspicace

Symptôme, signe et clinique

Les notions de symptôme et de clinique trouvent, dans l’histoire de la médecine à s’imposer quand le statut du médecin passe, par glissement, des références au Sacré, à la philosophie, à un positionnement scientifique.

Le mot clinique est apparu au 17e siècle. Il vient du grec klinikos[2], ce qui veut dire que le médecin exerce son art près du lit des malades, le lit se disant klinê. L’unité clinique est ici le malade dans son lit. Soulignons que, dès l’origine, la clinique s’apprend du malade ! Cela résonne pour nous dans notre approche de la clinique sous transfert.

C’est là sur le corps de ce malade dans son lit que l’on va, selon le dictionnaire Littré, faire la différence entre le symptôme et le signe. Le symptôme [1538] est défini comme un “ phénomène perceptible ou observable lié à un état qu’il permet de déceler. ” Étymologiquement, de racine grecque, il se décompose en sum-toma, dont le sens est “ tomber avec ”, plus précisément “ coïncidence ”. Le symptôme est une coïncidence. Quant au signe, il est la “ conclusion que l’esprit tire des symptômes observés ”. Le signe est ce qui représente quelque chose pour quelqu’un. Il n’a pas une valeur intrinsèque, il y faut l’interprétation de celui qui le reçoit, médecin, psy, etc., à partir de son savoir.

Ainsi, le symptôme appartient au malade — qu’il en ait la perception ou pas, conscience ou pas —, le signe à la médecine. Le médecin travaille sur des signes et pas sur des symptômes, à lui d’extraire les signes des symptômes.

D’une certaine façon, le symptôme n’appartient pas au discours médical, s’il surgit, il doit pouvoir faire signe pour le médecin, sinon il sera rejeté comme un artefact.

D’une manière commune, cette distinction se confond dans le mot symptôme et la subdivision qui se substitue à celle du signe et du symptôme est celle d’objectif et de subjectif. Le symptôme étant considéré comme subjectif pour le patient, objectif pour le médecin.

La plainte est, dans cette répartition, du côté du symptôme dans son versant subjectif pour le médecin qui le laisse à la charge du patient.

L’individu malade

Le symptôme, dans la visée médicale, c’est ce qui vient en rupture, en rupture d’une référence au fonctionnement harmonieux du corps et de sa place dans le social.

C’est ainsi que Michel Foucault conçoit le concept de clinique dont il situe la naissance dans une nécessité d’avoir eu à inventer un langage qui fixe les connaissances de ce qu’est un « individu malade[3] » et de sa place dans la société. C’est à partir de la clinique basée, sur « le visible et l’énonçable[4] » que se redéfinit la fonction du « champ hospitalier ».

Foucault assimile l’hôpital — à l’instar de la prison — à un lieu disciplinaire[5] ; un espace clos sur lui-même où s’exerce la discipline par l’intermédiaire des corps[6]. Ces corps ont, chacun à leur manière, enfreint la loi, rompu avec un équilibre biologique ou social. Les protocoles, médicaux visent à réintégrer les corps dans les normes d’un fonctionnement prédéfini. C’est un véritable corps à corps qui est engagé entre le pouvoir du corps médical et celui qu’il a en charge de discipliner. Le « corps médical » use de son savoir pour exercer un pouvoir au centre duquel se trouve un regard particulier porté sur les corps. La pandémie Covid-19 a remis dans l’actualité et d’une manière flagrante cette approche de Foucault.

La régression toujours plus accentuée de la manière qu’ont aujourd’hui les psychiatres d’aborder les malades en ne prenant pas en compte leur parole pour rabattre la souffrance du côté d’une causalité organique, fait qu’ils évitent de se confronter à la folie et d’assumer la dimension sociale que contient leur fonction.

Alors, moins la parole du patient est prise en compte et plus s’accentue la notion de corps enfermés dont l’objectif que se fixe la psychiatrie est de les rétablir dans une norme en les disciplinant[7]. Le corps est « objet et cible du pouvoir » et l’enfermement vise à le rendre « docile[8] ».

L’hôpital, ou le cabinet privé, où prévaut cette action, est le lieu du silence imposé. La psychiatrie d’aujourd’hui pousse toujours plus dans le sens de la répression des malades ; le psychiatre s’isole avec eux.

Rompre les chaines pour sortir les fous de l’isolement :

Pinel et Esquirol

Ces deux médecins — d’origine toulousaine, montés à Paris comme on le dit en Occitanie — symbolisent une certaine reconnaissance médicale des aliénés et la libération des chaînes qui les attachaient à leur déchéance programmée.

Philippe Pinel [1745-1826] retient de la manière de faire de Jean-Baptiste Pussin, surveillant à Bicêtre du pavillon des aliénés les plus agités — un homme au destin d’exception entré à Bicêtre couvert d’écrouelles, relégué dans les incurables, rebelle à la hiérarchie, mais qui sut tellement bien s’occuper des autres avec une si grande humanité, qu’on le remarqua et lui donna un poste de gardien, puis de surveillant et de « gouverneur des fous ». Pussin réussit, à partir de son esprit rebelle, à procéder à une inversion afin d’imposer à d’autres une autorité, condition qui leur permettrait de retrouver leur liberté. Il notait tout sur de petits cahiers sur lesquels les médecins s’appuyaient pour prendre leurs décisions. Il suivra Pinel à La Salpêtrière — qui faisait valoir auprès des malades les différences entre le bien et le mal, à partir de quoi il se montrait très humain auprès des malades, à tel point que, quand on les détachait, ils essayaient d’avoir un comportement irréprochable. Pinel donna un nom à cette méthode qui acquit le rang de « traitement moral ». Les aliénés, grâce à Pinel qui leur donna un statut de malades dans la médecine, furent séparés des autres et libérés de leur chaînes[9]. Basée sur l’observation et laissant à distance les étiologies tant organiques que métaphysiques ou philosophiques, Pinel établit une nosologie des vésanies, les désordres mentaux non organiques. Il attachera aussi une importance aux aspects médicaux-légaux concernant les patients et administratifs pour l’organisation des asiles. Se méfiant des passions il attachera une valeur particulière aux émotions vécues par ces patients, reliées aux vécus de l’histoire de chacun. C’est à remarquer. L’autre point qu’il me semble important de relever c’est la place que Pinel donne à la partie saine du psychisme sur laquelle il conseille d’insister. Il est en cela précurseur de ce que Freud soulignera pour les psychotiques de s’appuyer sur la partie saine du moi. Un tableau de Charles Louis Müller illustre ce temps de Bicêtre.

Affecté à la Salpêtrière, c’est en ce lieu qu’il trouvera la consécration de ses théories et de leur mise en pratique. Le tableau de Tony Robert immortalise cette époque.

Jean-Étienne Dominique Esquirol [1772-1840], élève préféré de Pinel, lui succéda à la Salpêtrière. Il poursuivit l’œuvre de Pinel avec quelques différences qui portaient sur la place des passions qu’il rangeait dans les folies, il distingua les illusions, produit d’une erreur des sens, des hallucinations, fruit de l’interprétation des patients[10]. Là où il se sépara le plus de son maître ce fut sur la bienveillance déduite du traitement moral pour accentuer une dimension plus répressive où, plus que la compassion, c’est la crainte que l’on doit induire chez le patient. Sur le pronostic, il a insisté sur la bien meilleure résolution de cas aigus, assimilés à des crises, avec même une possible restitutio ad integrum, que pour les formes torpides ; une idée qui suit son chemin[11]. Notons aussi les positions courageuses et solides qu’il a soutenues dans le débat sur la responsabilité des malades mentaux lors de crimes. Voilà ce qu’il écrivait à l’un de ses détracteurs, juriste de réputation : « Nous ne prétendons pas nous constituer en défenseurs du crime, et transformer les attentats en accès de folie ; mais nous croyons que la doctrine de la monomanie est autre chose que le crime excusé par le crime lui-même. »[12] Enfin soulignons la place de son travail dans la promulgation de la loi de 1838 sur les conditions légales de l’hospitalisation en psychiatrie mettant en cause les internements arbitraires[13].

COUPLES CÉLÈBRES À LA PITIÉ-SALPÊTRIÈRE

« L’Aimée de mathèse »[14], c’est ainsi que Lacan rappelle en 1976, à la fin de son enseignement, ce qui, dans cette rencontre, s’imposa à lui de Freud et le fit virer définitivement vers la psychanalyse. Comment mieux aborder cette question du couple patient-soignant qu’en rappelant ce que chacun, Aimée comme Lacan, doit à l’autre.

Avant Lacan d’autres couples sont passés à l’histoire. Pour être plus précis disons plutôt que ce sont d’autres manières de faire couple — plus axées sur la célébrité du maître.

Jean-Martin Charcot [1825-1893] avec Louise, connue sous son pseudonyme Augustine. Cette jeune patiente fut hospitalisée à la Pitié-Salpêtrière à 16 ans dans les suites d’une grande crise convulsive — une crise à la Charcot — alors qu’elle servait ses maîtres à table. D’origine très modeste, placée très jeune, elle avait néanmoins acquis la lecture, l’écriture et elle est décrite comme une jeune fille à l’intelligence vive et au caractère rebelle. Les crises débutèrent à 13 ans dans les suites d’un viol par un homme qui aurait été l’amant de sa mère. Elle débuta alors une vie « aventureuse », ayant plusieurs amants. Elle aimait à attirer l’attention et soignait sa présentation. Elle fut tout de suite repérée par Charcot et elle se montra avec lui d’une docilité qui excédait la suggestibilité. Un lien mystérieux les liait et elle se mit entièrement au service de l’ascension socioprofessionnelle de Charcot, illustrant à merveille les thèses du Professeur quant à la reproductibilité des crises lors de ses célèbres « Leçons du mardi ». Hospitalisée pendant près de 12 ans elle s’évadera deux fois, échouera à la première et réussira lors de la seconde, déguisée en homme ! Elle aurait rejoint un homme qu’elle avait connu à l’hôpital. Dans ce couple, sur le mode de la diva et du maître, c’est elle qui décide de la rupture, pour un autre homme.

Avec Pierre Janet [1859-1947], il y a Madeleine bien sûr, mais il ne faut pas oublier Lœtitia qu’il évoque souvent dans son œuvre « De l’angoisse à l’extase »[15].

Lœtitia, c’est l’Autre de Madeleine, celle que Janet veut opposer presque point par point à Madeleine dont elle est le faire-valoir. Lœtitia vit ses extases pour elle-même ; elle est hors transfert. D’ailleurs son trait dominant c’est qu’elle dort : « presque cinq ans sans interruption » précise Janet. C’est sa « Belle au bois dormant ». Elle écrit des textes poétiques mais Janet n’en sait pas le destinataire. Lœtitia n’est pas gratifiante pour lui, elle vit en permanence dans un monde irréel où ses perceptions sont diminuées : « elle ne ressentait pas le sentiment de joie ». Lœtitia néglige Janet.

Madeleine, c’est elle la partenaire de Janet, ils font couple. Des années d’études, des centaines de pages lui sont consacrées. Janet élève Madeleine au rang d’une partenaire d’exception et elle le lui rend bien ; encore que Dieu se mette assez souvent entre eux. Elle adresse de très longues lettres à Janet, il lui arrive de les trouver « ennuyeuses » dit-il. Pourtant certaines renferment une certaine éloquence, une certaine exaltation. Notamment quand elle juxtapose Janet et Dieu.

Selon Janet, Madeleine est « psychologiquement incorrecte ». Ce n’est pas tant que ce qu’il appelle « un délire religieux chez une extatique », soit nommé par lui « névrose » qui la déplace vers le non correct. C’est bien plus qu’elle ne fasse pas couple dans le transfert avec Janet et qu’il s’agit d’un ménage à trois : Madeleine, l’érotomane ; Janet, le jaloux et Dieu, l’omniprésent.

Il est probable que Freud doive aussi beaucoup à l’Augustine de Charcot par l’impression qu’elle lui fit, lors de son stage à la Salpêtrière, et qui l’amena à la séparation des manifestations hystériques de l’organicité. C’est le premier pas vers l’invention de la psychanalyse

Le socle de la psychiatrie : Emil Kraepelin

Emil Kraepelin a laissé une œuvre immense : huit éditions de son Traité, dans lesquelles il a établi les fondements de la psychiatrie. Lacan mettra cette œuvre de référence au centre de sa thèse, soutenue en 1932, en raison de la place très originale qu’il donne à la paranoïa : il lui attribue, à la fin de son œuvre, une étiologie psychogène[16]. Les DSM successifs n’ont pas enlevé aux travaux de Kraepelin leur pertinence quant aux grandes entités cliniques qu’il a dégagées. Sa méthodologie est avant tout descriptive, fondée sur des entretiens qui, soulignons-le, respectent la singularité de chaque patient. C’est par une logique de classification qu’il fonde une logique du diagnostic. C’est, avant tout, une clinique de l’observation.

L’étiopathogénie, plutôt binaire, est celle de l’époque : il n’existe de maladie mentale que pour des affections dans lesquelles on ne retrouve pas de causalité organique (alcoolisme, drogues, syphilis, dégénérescence cérébrale, épilepsie, « perversion sociale », etc.). L’évolution est la boussole essentielle de la clinique de Kraepelin et sur des générations nous avons répété : « L’hypothèse est au début, le diagnostic à la fin ».

L’Introduction à la psychiatrie clinique (1905) comprend trente-deux Leçons. Il faut les lire toutes, pour les cas cliniques qui sont de véritables perles. Chez Kraepelin, et contrairement à ce que l’on dit de lui, il y avait aussi une valeur attribuée à la parole des patients. S’il fut comparé à un botaniste, alors ajoutons qu’il était intéressé au langage des fleurs. Globalement, il a choisi lui-même de les présenter en suivant son découpage nosographique : la mélancolie, la démence précoce, la paranoïa. Restent ce que nous appellerons les « exclus », les « recalés » de la classification : les « dégénérés du sens moral » – une des obsessions de Kraepelin. Nous les lirons avec le plus grand intérêt car ils ne sont pas sans rappeler ce qui, dans l’actualité violente de notre société, est concomitant d’un rejet du fait psychique.

J’en ai décrit certaines dans mon travail paru dans La Cause freudienne, en voici d’autres.

Le serpent du paradis :Il s’agit d’une femme de quarante-six ans qui, à la suite du décès de son mari, développe l’idée qu’elle « l’avait mal soigné », qu’elle n’avait jamais « rien fait de bien dans sa vie », qu’elle avait ruiné sa famille et le monde… Ces idées délirantes de ruine extensive au monde sont assez fréquentes dans la mélancolie. Mais que penser lorsqu’elle dit qu’elle est « le serpent tentateur du Paradis », que son mari s’appelait Adam et qu’ainsi elle a apporté la malédiction sur toute la famille ? Elle est déjà en enfer où elle « brûle ». Elle demande par lettre à être incarcérée et signe « Le diable ».

La trentième Leçon aborde les criminels pathologiques et vagabonds.Kraepelin les appelle « les ratés de la nature ». Il résiste à les considérer comme des malades mentaux et c’est ici qu’il utilise les jugements les plus moraux. Il oppose les « criminels d’habitude » et les « criminels de vocation » ; tous ont des « instincts antagonistes de la société ».

La folle des incendies : Le premier cas est celui d’une femme de cinquante-quatre ans qui, dans les vingt dernières années de sa vie, n’a connu que quinze mois de liberté. Depuis l’âge de six ans, elle allume des incendies. Elle dit bien qu’elle y est poussée par le « Malin », par des forces invisibles, par des voix qui l’accusent d’avoir tué sept enfants, rien n’y fait : on la condamne à la prison. Et, dès qu’elle en sort, elle met le feu : chez des voisins, sa belle-mère, partout où « on [la] poussait » à le faire. Elle tente plusieurs fois de se pendre pour que cette persécution cesse. Mais, parfois, elle dit qu’elle le fait par insolence et qu’elle jouit de voir le feu tout brûler. Alors juges, policiers et experts psychiatres se sentent rassurés, ce n’est pas une folle mais bien une dégénérée du sens moral.

Être un homme : Cet homme de quarante-quatre ans, doux et timide, mène depuis son jeune âge une existence de vagabond. Il voyage de pays en pays, ne travaille pas, vit de ce qu’on lui donne. La singularité de cet homme est que, depuis toujours, il « satisfait les besoins sexuels » de ceux qui le lui demandent. Il ne sait faire aucun travail et a un terrible sentiment d’inutilité. En prison, il apprend à faire des figurines en mie de pain et se montre très créatif. Avec son art, il a trouvé une autre manière de pouvoir être « un homme parmi les hommes » et estime avoir acquis une valeur équivalente à celle des autres. D’être un homme en se faisant objet d’autres hommes, il est passé à la création dupliquée de petits autres semblables. Il se sent attiré par le théâtre, le Faust de Goethe surtout – non qu’il ait vendu son âme au diable, mais ce dernier s’en était emparé. Pour Kraepelin, c’est un semi-dégénéré.

Nous reprendrons un peu plus avant, le point d’arrivée de Kraepelin, là où Lacan l’a repris pour cette part de paranoïa qu’il isole dans une véritable psychogénèse.

Lacan dans le paysage de la psychiatrie de son temps

Cette partie trouve ses sources dans un Colloque, Le jeune Lacan, qui eut lieu au Val-de-Grâce le 23 septembre 2005 et dans un numéro spécial de La Cause freudienne : “Lacan au miroir des sorcières”[17].

Le Lacan des débuts

Au début du xxe siècle, en réaction à Charcot, les maîtres de la neurologie – sourds au freudisme – imposaient une approche du malade à partir de la simulation. La Salpêtrière était marquée de l’héritage de Babinski, et c’est dans ce contexte que Lacan s’y retrouva, en 1926, comme externe. Il fera sa première communication, de neurologie, devant une Société savante[18].

Avant sa thèse, Lacan avait présenté dix-sept communications. Ces premiers textes sacrifient à l’académisme de l’époque. Les tableaux cliniques sont de véritables peintures par les mots ; rien ne doit manquer du moindre trait ou attitude pour confirmer la nosologie, unique préoccupation des Maîtres. L’étiologie se résume à trois entités : l’encéphalite épidémique, la paralysie générale et l’alcoolisme.

Le savoir moqué

Les communications se succèdent, identiques. Lacan fait un pas de côté, s’exposant à la critique, pour dégager le sujet enchâssé dans le bloc massif de l’organicité. Ainsi, dans cette communication sur un cas d’encéphalite que Lacan fit seul, la protrusion de la langue était un signe rare[19]. Il justifie la présentation du cas par le fait, non pas que la patiente se mordait la langue au point de s’automutiler, mais parce que « les crises apparaissaient durant le sommeil ». Le style sémiologique cède le pas, d’une manière inédite, à la narration des effets que les crises produisent sur l’entourage de la patiente : « Accourus à ses cris la nuit, les siens trouvent notre malade les dents profondément enfoncées dans la langue tirée au dehors sans qu’elle puisse desserrer cette morsure et poussant des gémissements et des cris étouffés… » Sa fille observe les crises et isole un détail : un mouvement d’abaissement de la mâchoire qui précède la protrusion de la langue et la morsure. On vérifie que, si l’on réveille la malade au début du mouvement du maxillaire, la protrusion se corrige d’elle-même. C’est là que Lacan insère les quelques paroles que peut alors prononcer la patiente devant son entourage qui, lui, en reste coi : « Oh ! j’allais encore me mordre. »

Cette irruption de la parole dans la clinique descriptive la fait autrement présente. C’est comme si elle traversait, en le déchirant, le tableau qui peignait son visage figé dans une grimace hideuse. Une langue tirée, comme un défi au savoir des maîtres !

L’impureté dans le savoir établi

Lacan rend présent le sujet qui, parfois, manifeste seulement sa pointe d’une imperceptible impureté : celle de la parole logée dans une écriture convenue de la clinique.

C’est ce que développe un autre cas, une patiente présentée par Lacan avec Marc Trenel à la Société de neurologie[20]. Je rappelle qu’elle présentait une abasie[21] à la suite d’un traumatisme de guerre. On évoque un pithiatisme ; c’est à la mode à cette époque. Mais la patiente ne ressortit pas de la théorie de Babinski, elle est freudienne ! Son histoire résumée est la suivante. Sa maison fut détruite en 1915 par un obus et elle était restée avec « la jambe engagée dans le parquet ». Depuis, elle ne peut plus se soutenir dans la vie ; elle ne peut plus se tenir droite ! Très finement Lacan fait valoir que pour ce symptôme, elle avait bénéficié à l’hôpital de Béthune d’un traitement cognitivo-comportemental à base d’injonctions : « Tenez-vous bien droite, vous vous tiendrez droite, vous êtes droite, restez droite ! » Si elle se tient droite sous les injonctions de l’infirmier major, elle ne peut corriger l’extravagance de sa démarche : elle va à reculons, lentement puis précipitamment, achevant ses pas en arrière de quelques tours sur elle-même, toujours dans le sens contraire des aiguilles d’une montre.

Bien sûr aucun signe neurologique patent ne peut être dégagé, elle est en conflit avec tous les experts. Elle suscite beaucoup de méfiance chez les personnels soignants, figurez-vous que même une infirmière l’aurait vue marcher alors qu’elle ne sa savait pas observée.

Lacan revient sur ce « Tenez-vous droite ! » indiquant que cette « psychothérapie » « devait rester vaine ». Il ajoute cette phrase surprenante et pleine d’à-propos : cette psychothérapie vigoureuse ne lui avait pas fait « son éducation nosocomiale ». On est en 1928, Lacan donne là une très belle définition des tcc : une éducation nosocomiale ! La rectification cognitive s’inscrit dans les maladies contractées à l’hôpital ![22]

Lacan dans le sillage de Kraepelin

Pour Lacan c’est l’œuvre de Kraepelin qui lui sert de référence et qu’il situe au centre de sa thèse en raison de la place très originale que Kraepelin donne à la paranoïa : il finira par lui attribuer une étiologie psychogène.

Kraepelin définit la paranoïa comme le « développement insidieux, sous la dépendance de causes internes et selon une évolution continue, d’un système délirant durable et impossible à ébranler, et qui s’instaure avec une conservation complète de la clarté et de l’ordre dans la pensée, le vouloir et l’action »[23].

Ainsi, comme il le dit lui-même, il fait « prendre une place tout à fait originale au concept de paranoïa »[24]. Quels que soient le mode de début et les voies par lesquelles passe la construction du système délirant, Kraepelin tient pour décisif le caractère inébranlable du délire. Le système interprétatif qui y conduit peut se faire à partir de coïncidences, d’événements réels, de convictions ; rarement à partir de troubles sensoriels.

Les idées délirantes sont organisées selon un système où il existe une continuité entre les idées délirantes. Cet ensemble délirant a pu passer inaperçu du milieu familial et professionnel. Souvent, c’est un incident qui révèle l’existence de cette organisation ; celle-ci apparaît alors dans sa structure aboutie. La systématisation, comme l’évolution, est prépondérante.

La paranoïa est cette affection qui associe « l’autophilie » [haute estime de soi] et « les idées de persécution » qui se développent lentement en un « système », dans lequel les troubles thymiques sont absents. L’évolution, lente et inexorable, va du soupçon à la certitude. Ainsi, le paranoïaque garde longtemps cette apparence de normalité. L’élaboration interne se fait à bas bruit et c’est une coïncidence qui révèle la pathologie qui peut venir, de nouveau, à s’estomper et à être masquée. Ce n’est pas, pour Kraepelin, une guérison, car il récuse la curabilité de ces états. Il aurait pu faire sien l’adage d’Eugenio Tanzi – un autre grand nom de la psychiatrie de cette époque, en Italie : « Le paranoïaque ne guérit pas, il désarme. »[25]

C’est ce que va démontrer Kraepelin dans la quinzième leçon de son Introduction à la psychiatrie clinique de 1905[26]. Je reprends ici, avec vous, ce cas que vous trouverez dans La cause freudienne sous le titre : Un homme à marier !

Ce citadin de soixante-deux ans revêtait – dit Kraepelin – un « air de dignité » qui le faisait paraître un homme du monde. Le paranoïaque a aussi, souvent, un souci de paraître. Il avait, de fait, amassé par le passé une petite fortune à Quito en faisant des affaires. Puis, il avait perdu une somme importante sur la vente d’une maison, mais il lui restait suffisamment d’argent pour bien vivre. Il a la certitude d’être un inventeur lésé, spolié, au regard de la haute reconnaissance qu’il pourrait attendre. Au lieu de cela, un internement en psychiatrie !

Tout est organisé pour l’évincer et ses ennemis ne désarment pas, d’autant plus qu’ils sont animés par une femme implacable qui le persécute depuis près de vingt-cinq ans. C’est la fille du consul anglais à Quito qui le poursuit pour un projet de mariage auquel il se refuse. Là est la source de tous ses ennuis. « Que voulez-vous, dit-il, le cotillon » !

Dans la construction de ce patient, tout revient à ce point et s’y réduit, pour de nouveau irradier et atteindre divers domaines de sa vie. Il a, pendant longtemps, maintenu une foi inébranlable en un futur où tout s’arrangerait et où il serait riche. Il avait, sur ceux qui l’écoutaient, un certain pouvoir de conviction. C’est ce qui l’avait amené – dans ce climat de confiance, si l’on peut dire – à demander, à plusieurs reprises la main de jeunes filles. Ce fut là son imprudence et le motif de son premier internement. Jusque-là, il n’avait pas attiré l’attention de son entourage.

Pour ce délire de grandeur, le premier point qui retient Kraepelin, c’est l’absence de troubles de l’émotivité ou thymiques.

Retour sur la paranoïa légitime

Au fur et à mesure des révisions successives on a noté que la paranoïa était de plus en plus séparée des maladies psychiatriques. Elle a une place à part. Ainsi, Kraepelin en viendra à une conception psychogénétique de la paranoïa[27].

Les conditions de la systématisation délirante sont déplacées de l’intérieur vers l’extérieur.[28].

Le délire trouve sa source dans le sujet et dans son sentiment d’insuffisance par rapport au monde extérieur vécu comme hostile. C’est entre ces deux vécus que se produit le conflit interne où peut prendre place une aspiration à la notoriété, à la richesse. La paranoïa est au carrefour des conflits vitaux, de leur élaboration intime, et des réactions sociales.

Pour Kraepelin, dans le délire de persécution le sujet, passionné de la vie et épris de justice, se trouve ne pas avoir les « armes suffisantes pour surmonter les difficultés de la vie ». C’est sur ce chemin de la vie, qu’il trouvera des « influences hostiles », contre lesquelles il pourra mener un « combat passionné ».

Le délire de grandeur est celui qui retient le plus Kraepelin. La paranoïa est alors « la déformation pathologique des tourments, qui sont les plus communs dans la vie des hommes ». Il l’applique plus particulièrement à la jeunesse et à ses passions qui doivent trouver à se réguler dans les défilés étroits des exigences et de la vie quotidienne. Le sujet doit renoncer à ses prétentions exaltées. Si le sujet n’y consent pas, c’est la voie ouverte au délire de grandeur. L’annotation de Kraepelin est que la paranoïa serait « la trame poursuivie dans l’âge mûr des plans de haute volée du temps de la jeunesse. »[29]

Kraepelin élève la paranoïa à un statut qui la dégage des autres maladies mentales pour en faire une affection psychogène. Pour un peu, ce serait quasiment une position singulière du sujet normal qui, face à une injustice réelle, pourrait développer une paranoïa légitime.

Tous paranoïaques, donc… ! Néanmoins, pour ceux qui vivent leur paranoïa de manière névrotique, une barre, plus ou moins efficace, est posée sur l’Autre méchant.[30]

Retour sur la thèse. Le reproche éthique[31]

C’est, écrit Lacan, une « thèse de doctrine »[32] dans laquelle il fera valoir qu’un cas clinique, approfondi, peut rendre compte de bien d’autres.

Le cas Aimée constitue une approche nouvelle du sujet délirant, l’accent étant mis sur « l’état psychique dans la période qui a précédé l’élaboration du système » et non sur le délire lui-même. C’est une rupture radicale avec « l’observation objective » du malade, seule garante de la scientificité. Pour Lacan, c’est « la description spontanée par le malade qui nous assure l’authenticité » : les énoncés du patient contre l’observation préétablie.

Lacan n’a aucune visée nosologique, il vise à décrire pour la paranoïa une spécificité : le reproche éthique. Ce « conflit à forte résonance éthique »[33] serait accessible à une thérapie. Pour Aimée, cela débuta lors de sa grossesse ; ses collègues faisaient des critiques par allusions sur sa vie privée. Elle était pourtant irréprochable, mariée depuis quatre ans. C’est là que débuta l’idée qu’elles voulaient la mort de son enfant. Les disputes dans le couple se multiplient et elle est très touchée, mortifiée, par le fait que son mari lui reproche d’en avoir fréquenté un autre avant lui. C’est le reproche qu’elle garde au plus intime d’elle.[34]

La psychanalyse semble être, pour Lacan, la seule voie possible de ce traitement, mais à l’horizon[35] : une nouvelle technique psychanalytique doit s’élaborer, à partir des échecs actuels, et Lacan évoque, pour la psychose, une « psychothérapie dirigée ». Pour cette cure, aménagée, il donne quelques indications. Lui-même avait opté, avec Aimée, pour des entretiens « à bâtons rompus »[36] qui permettaient que la patiente s’exprime là où elle se taisait obstinément dès lors que les conflits étaient abordés plus directement.

Lacan en fait un enjeu pour l’avenir de la psychanalyse, allant même jusqu’à penser qu’un échec en ce domaine « entraînerait vite le dépérissement de la doctrine »[37]. De la conclusion de la thèse à l’ouverture de la Section clinique en 1977, la psychose, « c’est ce devant quoi un analyste ne doit reculer en aucun cas »[38].

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Au 21e siècle le défi que Lacan voyait comme essentiel à la place de la psychanalyse reste d’actualité. Bien des patients psychotiques disent attendre du psychanalyste un rapport à la parole dont ils puissent se soutenir là où elle fait défaut chez eux, comme chez ceux qui étaient leurs interlocuteurs habituels : les psychiatres. C’est, d’entrée, dans le transfert à la psychanalyse, une supposition prêtée à l’analyste.[39]

Si la psychanalyse est bien ce qui paraît être la seule solution pour un nombre toujours croissant de sujets psychotiques, c’est aussi le point où pour nous se situe sa difficulté majeure et qui nous pousse chaque fois à inventer un lien nouveau et qui soit singulier à chaque patient qui s’adresse à nous. 

Ce sont des points que nous reprendrons à la fin de ce cursus.


[1] La conversation clinique, UFORCA, Paris, Le Champ freudien éditeur, 2020, 303 p.

[2] En latin clinicus

[3] Foucault M., La naissance de la clinique, Paris, PUF, Quadrige, 1963, p. 199.

[4] Ibid., p. 200.

[5] Foucault M., Le pouvoir psychiatrique. Paris, Gallimard, 2003, p. 43.

[6] Foucault M., Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, nrf, 1972, p. 91.

[7] Ibid., p. 219.

[8] Ibid., p. 138.

[9] Pichot P., Un siècle de psychiatrie, Monographie des Laboratoires Roche, 1983, p. 11.

[10] Gourevitch M., « Esquirol clinicien », L’approche clinique en psychiatrie, Vol 1. Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, 1992, p. 35.

[11] Ibid., p. 37

[12] Ibid., p. 42

[13] Pichot P., Un siècle de psychiatrie, op. cit., p. 14

[14] Lacan J., « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 571.

[15] Janet P., De l’angoisse à l’extase. Tome 1- Un délire religieux chez une extatique.

[16] Briole, Guy, « Kraepelin, La fragilité d’une œuvre colossale », La Cause freudienne, n° 73, Les surprises du sexe,Navarin éditeur, Paris, décembre 2009.

[17] Briole G., « Le jeune Lacan, tel qu’en lui-même », Lacan au miroir des sorcières, La Cause freudienne, Paris, Navarin éditeur, n° 79, 2011, p. 98-105.

[18] Alajouanine T., Delafontaine P., Lacan J., « Fixité du regard par hypertonie, prédominant dans le sens vertical avec conservation des mouvements automatico-volontaires ; aspect spécial du syndrome de Parinaud par hypertonie associé à un syndrome pyramidal avec troubles pseudo-bulbaires », Revue neurologique, t. ii, 1926, p. 410-418.

[19] Lacan J., « Crises toniques combinées de protrusion de la langue et de trismus se produisant durant le sommeil chez une parkinsonienne post-encéphalitique. Amputation de la langue consécutive », L’Encéphale, t. i, 1931, p. 145-146.

[20] Lacan J., Trénel M., « Abasie chez une traumatisée de guerre » [séance de la Société de neurologie du 2 février 1928], Revue neurologique, 1928, t. i, p. 233-237.

[21] Abasie : impossibilité à marcher, en dehors de toute atteinte neurologique.

[22] Briole G., « Le jeune Lacan, tel qu’en lui-même », op. cit., p. 101.

[23] Cité par Lacan J., in De la psychose paranoïaque…, op. cit., p. 23.

[24] Kraepelin E., « La folie systématisée. Paranoïa (1) », Analytica, no 30, 1982, p. 23.

[25] Tanzi E., « Paranoïa », Analytica, no 30, 1982, p. 70.

[26] Cf. Kraepelin E., Introduction à la psychiatrie clinique, op. cit., p. 180-192.

[27] Cf. Lacan J., De la psychose paranoïaque…, op. cit., p. 58.

[28] Kraepelin cité par J. Lacan in ibid., p. 29.

[29] Ibid., p. 59-61.

[30] Briole G., Kraepelin, La fragilité d’une œuvre colossale, op. cit.

[31] Cf. Briole G., « Le jeune Lacan, tel qu’en lui-même », op. cit., p. 101.

[32] Lacan J., De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Paris, Seuil, 1975, p. 307.

[33] Ibid., p. 271.

[34] Ibid., p. 159.

[35] Ibid., p. 348-349.

[36] Ibid., p. 213.

[37] Ibid., p. 279.

[38] Lacan J., « Ouverture de la Section clinique », Ornicar ?, n° 9, Paris, Seuil, 1977, p. 12.

[39] Briole G., « Le psychotique au un par un. Quelle pratique avec un être si proche, si étranger et tellement étrange ? », Letterina 60, Oct. 2012, p. 67-78.